Co-fonder l’Université dans la Nature est pour moi un acte de justice. De justice environnementale. C’est un cri du coeur qui dit « au 21è siècle les bienfaits de la nature sur la santé, et plus particulièrement sur le développement cognitif des enfants, ne peuvent plus être réservés aux uns et rester inaccessibles aux autres ». 

J’ai grandi dans les cités, en banlieue Est de Paris, le fameux « 9.3 » tristement célèbre pour ses incivilités, ses émeutes, ou la forte délinquance qui y sévit. J’ai grandi dans le béton craquelé des tours à perte de vue, les odeurs d’urine dans les halls, un environnement froid et insalubre.

Le refuge c’était la « nature » : deux petits carrés de pelouse et les deux sapins devant notre appartement. L’accès à ce refuge venait au prix du combat : la pelouse était interdite comme c’est souvent le cas en France – sauf pour les propriétaires de chiens qui pouvaient s’y promener.  Y jouer, grimper dans le sapin et passer des heures à rêver dans les branches à l’abri des seringues et du climat de désespoir, devenait un “acte de désobéissance civile”. Alors j’ai désobéi, toute mon enfance, et malgré moi, une rage devant l’injustice venait de me pénétrer. 

J’ai fait des études de droit à la Sorbonne, crée une entreprise dans la banlieue de Londres, ai émigré au Canada, y ai rencontré Hubert, mon mari. Je me suis réalisée professionnellement et suis heureuse d’avoir offert à mon fils un espace sain, confortable pour grandir ainsi qu’une connexion véritable à la nature. L’enfant du 93 a réussi à changer de milieu: et si elle le devait à ce sapin et à ses branches qui la soutenaient? Et si c’était ce refuge qui l’avait réellement aidé à lui procurer un peu d’équilibre pour lui donner des ailes? C’est ce que je crois profondément au vu des découvertes scientifiques que nous avons accumulées et des souvenirs et sensations si fortement attachés à cet ami immobile et serein.  

Changer de milieu n’a pas éteint ce sentiment d’injustice pour autant.  

Plus je lisais sur les bienfaits que la science mesurait et plus je discutais avec des chercheurs/euses passionné(e)s, plus je me sentais poussée à revisiter mon passé dans les cités: l’acte de désobéissance de l’enfance s’est transformé en un engagement à éradiquer l’inacceptable injustice environnementale qui tient encore aujourd’hui beaucoup trop d’enfants éloignés de la nature, alors qu’elle est indispensable à leur équilibre. 

On prévoit qu’en 2050, plus de 70% de la population mondiale vivra en milieu urbain. Quel milieu de vie attend ces enfants, ces femmes et ces hommes, ces familles à faibles revenus, ces personnes avec un handicap? Je suis déterminée à contribuer, au sein de l’Université dans la Nature et avec tous ses alliés, à ce que leur milieu de vie ne soit pas dépourvu de celle qui se révèle être le plus grand partenaire pour leur santé physique, mentale et le développement de leur potentiel à tous. Sans exception.

Emilia Tamko Mansion